Ça a du bon le mi-temps. On perd un peu d’argent, on gagne un peu de temps. Le temps de reprendre le tapis de course d’assaut par exemple. Oui je sais j’habite à côté du bois de Vincennes, what a shame. Mais à la salle de gym il n’y a ni cailloux, ni pente, ni vent. Je n’aime pas le vent, ça rend fou. Ca assèche le cerveau et rétrécit les yeux. Ou l’inverse.
Le tout avec la salle de gym, c’est de ne pas s’ennuyer. Mais il suffit de regarder les gens autour de soi, et on peut courir des heures sans s’arrêter.
La fashionsportista, brindille blonde aux yeux charbonneux grimpe sur le tapis comme on monte sur un podium, fixe des mèches avec des petites pinces de la bonne couleur. On sent que ça lui coûte d’avoir laissé ses talons au vestiaire. Pas parce qu’elle redoute de se tordre la cheville, mais parce que le coach lui a interdit de rayer le tapis. Du coup elle a gardé ses boucles d’oreille, un minimum quand même.
La mère de famille à la langue bien pendue est sympathique. Tellement sympathique qu’elle s’essouffle très vite. Elle garde le tapis cinquante minutes, le temps de raconter à ses voisines la recette de la soupe au potiron et les résultats scolaires du petit dernier, tout en marchant à 2,5 km/heure.
L’habituée populaire vient tous les jours et connaît tout le monde. Elle laisse sa serviette et sa bouteille d’eau sur la machine, histoire de la réserver pendant qu’elle prend des nouvelles de Marcel, qui soulève de la fonte. Quand elle revient, elle se permet de vous dire que vous avez les pieds en dedans. Mais elle ne montre par l’exemple, elle repart saluer Serge aux haltères.
La timide discrète ne veut pas déranger. Elle laisse passer son tour même quand elle a attendu une machine vint minutes.
Il y a aussi celle qui court un peu moins vite que vous et que ça ennuie. Elle jette des regards sur votre chrono et vous la voyez se fâcher de seconde en seconde. Et son contraire, la surdouée sponsorisée par Puma qui court le marathon et vous lance des petits regards supérieurs parce qu’elle a pitié de vous voir peiner.
L’obsessionnelle a les yeux rivés sur sa consommation calorique, et elle compte. Là j’ai éliminé le hot-dog. Là je vais pouvoir manger un plat de pâtes ce soir. Là maintenant je vais pouvoir mettre de la crème dans la sauce.
La négligée court sans but. On se demande franchement ce qu’elle fait là. Elle n’est pas en jogging elle est en pyjama. Son pantalon est trop petit, et on devine la raie des fesses. Ses cheveux gras ne sont pas attachés, et on se demande comment elle fait pour ne pas trébucher sur ses lacets défaits.
Enfin, la plus épatante lit Voici. Elle ne supporte pas la solitude, alors elle court avec la rumeur.
Et les hommes dans tout ça? Ils sont discrets, efficaces. Ils courent en apéritif ou en digestif, vite et bien. Ils ne se montrent pas, ne se regardent pas…non leur terrain de compétition se trouve un peu plus loin, (suivre Marcel et Serge). Sur le tapis on s’entretient tout juste, on ne fait pas le fier.
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