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Photo du rédacteurSandie Crayne

Tama pour les intimes



Ce qui m’a frappé, Tamarindo, c’est que chez toi, le rêve costaricain qu’on nourrit secrètement depuis des années paraît obsolète. C’est un jugement hâtif ? Bien sûr, tu as raison. Nous ferons d’autres escales avant de statuer. Il existe peut-être, ce paradis. Une chose est sûre, il n’est pas perdu, en tout cas pas chez toi. C’est même un paradis tout trouvé. Tu tiens ton nom d'un fruit délicieux, mais trop mûr.

Allons, ne nous fâchons pas. C’est vrai que tu n’y es pas pour grand-chose. Le très fameux film documentaire de surf Endless Summer t’a propulsé sous les projecteurs à la fin des années 60, le développement et l’appât du gain ont fait le reste. Que te reste-t-il d’authentique ? Ton coucher de soleil, tes vagues, quelques coins préservés vers Playa Langosta et les vendeurs de noix de coco sur la plage…ah oui, et les crocodiles d’eau salée qui rôdent dans l’estuaire vers Playa Grande.

Le reste, pobresito Tamarindo, est un gigantesque parc d’attractions à ciel ouvert. Tout est fait pour satisfaire les touristes qui voyagent pour trouver ailleurs exactement ce qu’ils ont chez eux, mais avec du soleil et des palmiers. Les mêmes restaurants de burgers et de sushi, les mêmes bars à cocktails, la même musique commerciale, avec le même volume à t’en dépuceler les tympans, les mêmes boutiques, tu sais celles où moins le vêtement a de tissu, plus il est cher ? Parce que ces touristes-là, c’est bien connu, quand la culture, la nourriture, les activités sont trop différentes de ce qu’ils connaissent, ils font la moue. Ils n’essayent pas, ne goûtent pas, ne dépensent pas, et en rentrant ils diront que la plage était belle, mais un peu trop…« exotique ». Pas chez toi, Tamarindo, sois rassurée. En rentrant de chez toi, ils diront que c’était les plus belles vacances de leur vie. Que c’est immanquable. Qu’ils ne rêvent que d’une chose, c’est revenir. Peut-être même pour y vivre ! Et leurs familles, leurs amis, leurs voisins, leurs collègues, imprimeront, consciemment ou non, que leurs prochaines vacances dans le sud devraient être au Costa Rica.

Ce qu’on a apprécié ? La question est légitime. Tes couchers de soleil, les quelques coins préservés vers Playa Langosta, et tes noix de coco sur la plage. Bon, tu as aussi été notre première (re)connexion avec l'océan Pacifique.


Tu te défends ? C’est un comble pour le fruit de paradis que tu es, mais je le respecte. Oui c’est vrai, nous venons d’arriver et sommes déstabilisés par la perte de nos repères. Nous n’avons rien d’original, je le reconnais. Nous sommes au Costa Rica pour quelques mois, comme tout le monde. Nous ne savons même pas où sont les gens en vacances. Nous n’avons parlé qu’à des digital nomads, des couples qui prennent un break de plusieurs mois ou des familles installées. Il y a quelques années, c’était très rare, où que nous allions, crois-moi. C’est l’effet covid, Tamarindo.

On a élu domicile dans une auberge de jeunesse alors qu’on voyage avec un jeune enfant, c’est vrai aussi. Mais ça, c’est la faute à la haute saison. Et tu sais quoi ? Certes c’était un niveau de difficulté auquel nous étions mal préparés, mais au final c’est un défi qui nous ressemble. Soren s’est levé un matin un peu paniqué, Nice lui manquait, rien n’allait, c’est tellement serré ici, nous a-t-il dit. (Sans déc, à 3 dans 9 mètres carré avec 3 grosses valises, du linge qui sèche aux barreaux de la fenêtre, un vrai camp de chaoui, comme on l’a vécu des dizaines de fois avant ta naissance, mon bonhomme !) Lui qui adore dire « the sweet is never as sweet without the sour », il a ici l’occasion de la comprendre pleinement, cette phrase. Je pense qu’il appréciera particulièrement de retrouver un peu d’espace et d’intimité, de ne pas attendre pour se préparer un repas, faire la queue pour laver sa vaisselle ou prendre sa douche dans un bac sale, manger avec une cuillère parce qu’il n’y a plus de fourchette, se coucher au son des beats électro et des rires gras, ou récupérer du linge mouillé le matin parce que les gamins qui sont loin de leurs parents pour la première fois étalent leur maillot trempé sur celui des autres plutôt que de le pousser. Et parallèlement, ça lui manquera de ne plus faire le pied de grue aux tables de ping pong, billard et babyfoot, ou encore papoter session de surf avec ses copains de 20 ans.

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