"- On peut voir des pingouins à Kaikoura, non?
- Oui, à South Bay.
- Alors pourquoi on n’y va pas?"
C’est en partant de ce constat que la date de l’opération Pengu-ing est fixée à jeudi. Cette expédition a deux objectifs :
– Trouver des pingouins bleus
– Trouver LE pingouin Gorfou du Fiordland
Pourquoi LE? Parce qu’il n’y en a qu’un dans les parages. Le pauvre bougre s’est perdu et les scientifiques qui l’ont repéré sur les côtes de Kaikoura ne savent même pas comment il s’en est sorti. Cette espèce évolue généralement bien plus au sud du pays, dans les environs de l’île Stewart (qui est par ailleurs LE point le plus éloigné de la France. Dès qu’on le dépasse, on commence à se rapprocher!)
Quatre des membres de notre groupe de six travaillent pour la même compagnie et un de leurs collègues organise des tours guidés pour observer les pingouins. Tous savent donc à peu près où regarder, ce qui nous permet de partir en solo à l’aventure.
Nous voilà partis, armés de nos appareils photo et lampes torche, au coucher du soleil, moment stratégique s’il en est, car les pingouins reviennent de la chasse et se réfugient dans des crevasses et derrière des rochers pour la nuit. Nous garons la voiture au bout de la route et entamons un parcours escarpé et glissant entre les roches à marée basse. Au bout d’un petit quart d’heure, nous nous retrouvons bloqués. À droite, une falaise. À gauche, un rocher léché par les vagues. En face, un passage étroit, occupé par une otarie. On ne se décourage pas et on contourne le rocher tant bien que mal, mais on réalise qu’on ne va pas être tout seul. Effectivement, derrière le fameux rocher, une tripotée d’otaries est disséminée un peu partout. Or figurez-vous que s’il y a une chose à ne pas faire, c’est passer entre une otarie et la mer. Ça lui « coupe » la route, et elle est susceptible d’attaquer. Nous entamons donc un slalom fort amusant, si ce n’est pour les regards légèrement dérangés des squatteuses odorantes.
Le pingouin bleu (blue penguin)
Arrivés au bout d’une deuxième baie, nous apercevons une anfractuosité dans la falaise. La lumière décline rapidement, mais notre oeil s’est habitué et l’on voit encore clairement. L’un de nous part en reco, et sort un pouce pour nous indiquer que le premier objectif est atteint. On progresse à pas de loup vers la cavité, et découvrons avec émotion cette petite boule bicolore.
C’est un pingouin bleu à nageoire blanche, encore plus rare que le pingouin bleu à nageoire pas blanche. Il est endémique de la Nouvelle-Zélande, et de l’île du sud en particulier. Au passage, son vrai nom est manchot pygmée, mais tout comme pour le phoque et l’otarie, on confond souvent manchot et pingouin. La traduction n’aide pas, car le nom anglais est Blue Penguin. Moi perso je préfère pingouin bleu parce que 1. il est vraiment bleuté, 2. pingouin c’est plus mignon. (C’est comme hérisson, c’est plus mignon que…ah non un hérisson reste un hérisson).
Le pingouin Gorfou du Fiordland (Fiordland crested penguin)
Blague à part, alors que nous nous acharnons à vider nos batteries d’appareils photo, Sarah nous indique que Stéphane a trouvé le naufragé, LE pingouin échoué difficile à repérer. Déjà qu’on se sent formidablement chanceux d’avoir le petit bleu rien que pour nous! On traverse une deuxième crique, ravis de constater que la marée n’est pas montée. Au bout, bien visible à l’abri du vent derrière un rocher se tient le Gorfou. Re-wow. Re -crépitement de clics-clichés. On le trouve magnifique, même s’il est en pleine mue. D’ailleurs on peut voir un tapis de plumes blanches et grises toutes douces autour de lui. Plus tard, il aura des aigrettes jaunes de chaque côté de la tête, comme des touffes de sourcils. Ceux d’entre vous qui ont vu le film d’animation Surf’s Up reconnaîtront Cody Maverick. Mais celui-ci est encore tout jeune, et on n’aperçoit que le dessin de ses aigrettes.
Complètement happés par le show, nous ne prêtons aucune attention au fait qu’il fasse nuit, jusqu’à ce que Stéphane, mu par une responsabilité à caractère militaire, nous encourage à entamer le retour. Le chemin de l’aller n’est plus accessible (le nombre d’otaries a doublé et si on ne voit plus leur regard, on entend leur souffle rauque un peu partout). On finit par trouver un chemin qui remonte sur la colline et rattrape la balade de la péninsule, nous ramenant au parking de l’autre côté. Une mini-rando nocturne exaltante qui clôture parfaitement cette mission accomplie.
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