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Photo du rédacteurSandie Crayne

L’ado-ration du voyage

Dire de ce voyage qu’il était sans histoire serait un mensonge.

J’étais assise entre deux ados. Une fille de 14 ans et un garçon de 16, qui s’est installé un peu après nous. La jeune fille engage la conversation, mignonne, mais très enthousiaste…trop enthousiaste en fait. Au bout de cinq minutes, le jeune homme se joint à nous:

-Ah mais vous n’êtes pas ensemble? Je croyais que vous étiez mère et fille.

Je crois que d’abord je le fixe, ensuite je me tourne vers la jeune fille, je me retourne vers lui, je lève les sourcils, ou j’écarquille les yeux, ou les deux (je ne suis plus très sûre de l’ordre). Je crache du venin, j’hésite à lui tordre le cou, finalement j’opte pour un grand sourire:

– Oh non voyons, je n’ai pas l’âge d’être sa fille.

J’aimerais pouvoir vous dire qu’il était gêné, mais pas du tout. Il a ri lourdement comme si je faisais une blague sur Toto, et a insisté:

– Ahahaha. Non mais sans déc’ vous pourriez avoir eu des enfants jeune.

Et la fille de surenchérir:

– T’en veux des enfants? T’es mariée?

– (soupir) BON! Mon p’tit gars, on va changer de place, parce qu’avec mon incontinence je vais te faire *** toutes les heures. En plus je fais de l’arthrose et je dois m’étirer régulièrement. Et puis y’a de quoi draguer à côté, ça ne serait pas sympa de ma part de m’interposer.

J’ai bien fini par l’avaler cette remarque, en réalisant que ma foi oui, j’avais le double de l’âge de cette jeune (jeune) fille…Bizarre ce temps qui passe. Les ados n’ont pas été troublés le moins de monde par notre changement de place. Ils ont continué à parler, entre eux et à moi.

C’est rigolo l’ado. Un coup ça tutoie, le coup d’après ça vouvoie. Et dans les deux cas on n’est pas content. Quand il tutoie, c’est pour se pencher sur mon écran et dire « tu regardes quoi? » ce à quoi on a envie de répondre « hey man (remains of my Canadian times)…on a pas élevé les cochons ensemble », ou « je ne suis pas ton pote, petit » (si si, on le pense). Quand il vouvoie, généralement c’est pour un service, type « excusez-moi, auriez-vous la gentillesse de bien vouloir m’indiquer l’heure s’il vous plait? » Là on lui balancerait bien « mais tu crois que j’ai quel âge pour mettre cette distance entre nous? » Donc le mieux, c’est encore quand il ne parle pas.

Bon allez, on recommence.

Dire de ce voyage qu’il était sans histoire serait un mensonge: J’ai voyagé dans le A380.

Alors oui d’accord, c’est gros, grand, et neuf. Les toilettes sont légèrement plus spacieuses et les écrans plus larges. Mais à part ça, franchement, je n’ai pas été é-pa-tée. Blasée? Peut-être. En tout cas j’ai eu l’impression que les sièges se baissaient moins que dans d’autres gros avions et qu’ils étaient bien plus durs. Comme quoi un vieux siège cassé, ça a du bon.

J’ai trouvé difficile de me caler confortablement. En plus, l’ordinateur à disposition comprend de nombreux divertissements. En bref, on dirait que tout est fait pour nous garder éveillé, ce qui, sur un vol de 13h, n’est peut-être pas la meilleure idée. J’avais prévu ipod, livres, magazines…je n’ai rien sorti. J’ai révisé mon hindi pendant plus d’une heure et demie grâce au programme d’apprentissage des langues. J’ai regardé un film, trouvé ça nul, tenté de dormir, remis le film, fini le film, tenté de me rendormir, remis un film, etc…et j’ai joué à Tetris. Je sais c’est mal, mais que ne ferait-on pas pour tenter de s’abrutir? (Dans le but, raté, de s’endormir bien sûr)

Après une brève pause à Singapour (une heure, juste le temps d’embarquer dans un nouvel avion) le second vol m’a paru idyllique. Ce n’était certes pas le A380, mais l’avion était à moitié vide, silencieux, le service aussi impeccable que dans le précédent vol. J’avais un hublot, côté soleil, et trois sièges pour me coucher. Le paradis. J’ai dormi 8 heures sur 9 et demi de vol.

À l’arrivée, tout s’enchaîne sans encombre: j’obtiens le visa en un rien de temps (il est électronique) je passe la douane comme si je ne m’appelais pas Sandie Cabrol (wink wink), je récupère mon bagage (qui pour une fois est parmi les premiers!), et je retrouve mon blond, qui m’attend juste de l’autre côté d’un dernier mur opaque…(séquence émotion, coupée au montage). Ou sont passés les cinq derniers mois? Chacun de notre côté, on le sait, mais ensemble, on oublie. (Marc Levy sort de ce corps!)


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