À bord, tout est prêt
Vendredi 10 mai – JOUR 1. Au réveil à 7h, une brume épaisse enveloppe le port. Une vraie purée, on ne voit pas à dix mètres. L’équipe des Moorings est confiante. Notre certificat de clearance devrait être tamponné avant midi. D’ici là, la brume se sera dissipée avec la chaleur matinale. Ross nous réunit sur le quai pour débattre. Prendre la mer un vendredi porte malheur, peu de marins aiment défier cette règle. Il demande l’avis de l’équipage. Darren n’est pas particulièrement superstitieux, ça lui est égal. Quant à nous, ça fait une semaine qu’on est prêt à partir. Initialement, nous devions prendre le large mercredi, mais Ross avait considéré que nous n’étions pas tout à fait prêts, et que rien ne servait de précipiter le départ. Jeudi matin, nous avions fait le plein d’eau, d’essence, de gaz. Ne nous manquait plus qu’une petite signature de la douane sur un bout de papier…que nous n’aurons que le lendemain. Résultat, aujourd’hui nous sommes tous impatients de mettre les voiles et décidons de braver la superstition.
Nous équipons le Shard de ses freins – 2 pneus ficelés à la poupe – et vérifions le matériel de sécurité à bord : radio, bouée de secours, gilets de sauvetage, EPURB, téléphone satellite.
L’heure du départ
Nous larguons les amarres à 11h. La manipulation ne prend que quelques secondes et on n’a pas vraiment le temps de réaliser que ça y est, on est bel et bien partis! Ross me donne la barre et m’indique les repères pour sortir Shard de la marina, puis de la Baie des Iles. Une demi-heure après le départ, Darren et Stéphane hissent la grand-voile. Le bateau commence à tanguer gentiment, jusqu’à ce qu’on atteigne la partie « ouverte » de l’océan. La mer est agitée, on se fait botter le derrière sans préavis! Des vagues de 1 mètre, un vent à 25 nœuds, on est secoué comme des pruneaux. Les fenêtres à tribord passent sous l’eau une vague sur deux. Malgré nos efforts d’arrangement digne d’un Tetris, l’intérieur du bateau est entièrement redécoré. Les objets valsent, les oeufs menacent de repeindre la façade et on commence à prendre conscience que ce charmant voilier de croisière n’est guère conçu pour une traversée de ce type…Tout ce qui était gentiment coincé derrière une petite barrière sur l’étagère de la cuisine finit dans l’évier.
Je suis en train de couper des carottes pour le déjeuner quand le malaise me frappe. D’abord je ne sens plus mes doigts. Puis le moindre mouvement demande un effort considérable. Puis je bâille à répétition. Enfin j’ai la tête qui tourne. Je fixe l’horizon, pensant subir mon premier mal de mer (je n’ai jamais été malade en bateau…) Stéphane est à peu près dans le même état. Je parviens quand même à finir la salade, que personne ne touchera. Ross et Darren ont mis Shard en pilote automatique et sont partis se coucher! On comprend qu’on n’est pas les seuls à se sentir mal, en fait tout le monde est en phase d’adaptation. Finalement je me couche sur la banquette du salon et tombe dans un sommeil profond, malgré la houle, les vagues, les voiles qui claquent et la coque qui craque.
À mon réveil la mer ne s’est pas calmée, mais le malaise est complètement passé, disparu comme par magie. Je grignote de la salade, une banane et une « tapette à souris », à savoir un sandwich de beurre de cacahuète. Pour l’instant tout ça reste bien en place. Je monte sur le pont le temps de voir le coucher du soleil, majestueuse boule de feu qui se couche à l’horizon, entre les nuages. La température est fraîche, on est couverts de la tête aux pieds, avec sous-vêtements techniques et bonnet. Les tours de garde ont commencé à 18h : Ross, Stéphane, Darren et moi. Comme ça chaque fois qu’un de nous, marins d’eau douce, prend son quart, il est briefé par un vieux de la vielle. Du coup je fais minuit – 2h, 8h-10h et 16h-18h, et Stéphane fait 4h-6h, midi-14h et 20h-22h.
ENGLISH corner : read Stephane’s contribution
It was foggy on that morning of 10 May 2013. The air was full of excitement with the impending departure. A much anticipated day that had been playing with our nerves, eluding us. The 41 foot yacht, Shard, was filled up with all the food, water and fuel needed for two weeks. The early fog cleared the way, leaving us with clear skies and smooth seas.
Sandie throws off the bowline, I secure the spring and our first mate clears the stern while our skipper steers out of the marina, clearing the jetty. The moment felt like the christening of the newest ballistic missile submarine of a grand fleet, better yet, the exceptional moment in history when the Niña, the Pinta and the Santa Maria set off for news shores and the unknown. The moment was grandiose. Setting off rhymed with adventure and filled our spirits with a sense of invincibility, a sense of freedom. The much-anticipated departure had lingered in my mind during the weeks of travels and exploration preceding this culminating moment. The aura of this unique instant in time was embroidered, and the climax was hyperbolic.
Alas, how grand would it have been if it had been as such. By the time the lines were off and we had maneuvered out of the marina we hit 20 knot winds and we were running all over the deck securing the jack line, the dingy and the sea anchor – two tires – for the voyage to come. The realization of what had just occurred was synchronized with the imminent symptoms of seasickness.
The sailing has begun, Ross is setting up the electronics and navigation station, Darren and I are still tying up loose ends – literally – and Sandie is steering. It took us a while to adjust the sail as we try to set our course. There was a moment when Ross realized that our autopilot was off by over 80° – this could be a problem. The search reveals that the magnetics were being stirred up by the presence of several bottles of Rum and their metallic screw-on caps. As we clear off shore and head out to sea, the wind increases and is accompanied by rain. This is the part where I feel sheepish. Sandie is thrilled, she sits in our front cabin stoked to be rocked by the sea until she looses it and comes up to the back deck as green as I. Darren doesn’t look to good either and goes for a snooze. Ross fixes the septic tank and follows suit. One hour in a half into the grand adventure and we are all lying down feeling like crap. Outside it was cold, wet and miserable, inside it was pukie. It took us all a little time to adjust mind and body to passage mode.
Our last glimpse of land was seen 6 hours into the passage, the sunset was spectacular and the proper sailing had begun. As night fell I couldn’t help but to feel amazed by the eeriness but novel impression of a moonless night at sea. It was on, we were off.
Living on board for 6 days with Sandie prior to launching gave us plenty of time to get acquainted with the Shard. We had arranged the food reserves and placed the safety gear and prepped the navigation station. In one hour of sailing the squal had undone what it took us 6 days to do, it redecorated the place. Two dozen eggs were waltzing around with beer bottles and half the kitchen flew to one side as the head sail tilted the entire yacht. The irony is that we were expecting more of the same winds but from the east the next day. Rearranging for the third time was necessary in order to avoid more involuntary redecorating.
One of our main jobs on board was performing shifts, or watches. I was blessed with two night shifts, or one night and a twilight one. Witnessing the entire Milky Way shift throughout the night while reading our bearing with the Southern Cross was simply fantastic. Amidst all this romantic display befell upon me the need to remain awake, and luckily I still had a few tricks up my sleeve from my army days. One such trick is what I dubbed deteriorating comfort, in which one lays or sits in a manner that initially provides warmth and comfort. After 10 minutes one gets colder and experiences cramps, then 10 minutes on none of either, due to the numbness of the buttock and legs. This in turn indicates it’s time to change posture. The second trick is known as precarious comfort, in which the subject sits or lays in a way that will surely guarantee a crash landing on the next surface, a deck in this instance, and this ensures that no sleep ensues.
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