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Jaïpur, Holi et éléphants roses

Holi, festival des couleurs. Holi, célébration du printemps. Holi, ou l’art de peindre la ville et ses habitants en une toile de Vassily Kandisky. Holi, ou rougir de plaisir à la vue d’un éléphant rose sirotant un jus d’orange, tout en étant vert de rage à l’idée de jaunir son bleu de travail.

On nous a dit que le festival Holi était un moment fou, on ne nous a pas menti. L’école a célébré Holi vendredi avant le congé du long week-end, et ainsi mon baptême des couleurs s’est fait en grandes pompes. On commence en douceur, en se traçant du bout des doigts des lignes sur le visage avec de la poudre de couleur. Très vite ce sont les mains entières qui tapissent le cou et les bras. Puis on réalise que la poudre est volatile et vient donc se coller aussi sur les vêtements, le sac et l’appareil photo. Les enfants dégainent leur pistolet à eau ou leur bombe de mousse et la poudre devient peinture. A ce stade on se transforme rapidement en arc-en-ciel. Le temps de constater que la peinture ne part pas du tout aussi facilement que la poudre, les garnements ont rempli des seaux, et ça se termine en bataille de peinture sur la pelouse de l’école.

Après 3 shampoings, mes cheveux sont toujours rose et j’ai refais la déco de ma salle de bain. A peine le temps de se changer et Natalia et moi harnachons nos sacs-à-dos, direction Jaipur!

Etre sur la route à nouveau est exaltant. Même après un bus d’1h30, un train de 3h30, et une courte nuit à Delhi, je suis aussi excitée qu’après un grand huit sans les mains! Nous trouvons le temps d’admirer la superbe mosquée Jama Masjid à l’aube, et d’avaler un petit déjeuner couleur locale (chaï et samosa) avant le dernier trajet de 5h30.

C’est sous un soleil de plomb que nous entamons notre marche dans Jaipur la rose en début d’après-midi. Le contraste des températures est tellement saisissant que j’ai l’impression d’être dans un parc d’attraction qui simule l’été. Si être à Dhampur me rappelle quotidiennement que je suis ici en « mission », Jaipur rime définitivement avec vacances (même s’il manque la mer pour que cette définition soit exacte selon mes standards). Évidemment à la première occasion nous nous mettons à table, autour d’un délicieux assortiment de chana masala et sauce paneer-légumes. Et les épices? Même pas mal! Na!

Le reste de l’après-midi est dédié au shopping, peu fructueux pour moi qui suis dure en affaires. Jaipur étant une ville très touristique, les commerçants marchandent peu! Je suis d’autant plus fière de repartir avec une nappe pour ma collection; premier prix 550, achetée 180. Ca c’est du business!

En revanche je termine la balade des bazars frustrée. Dans une boutique j’ai repéré le sac de mes rêves. L’ambiance est chaleureuse, on m’offre un chaï, je suis persuadée de repartir comblée. Mais le prix que me donne le vendeur est exorbitant et ses efforts de négociation sont ridicules. Ma déception est aussi grande que mon envie mais je ne cède pas. 3 jours plus tard je pense encore à ce sac. Au moins je suis sûre de le vouloir, mais pas à ce prix!

En cherchant un endroit où dîner, nous rencontrons un marionnettiste dans la rue. Il nous montre ses poupées rajasthani, nous fait une petite démonstration dans son échoppe. On prend ses coordonnées, l’école pourrait apprécier ses services.

Le matin suivant nous visitons le Hawa Mahal, le palais du vent. L’intérieur est très beau, mais c’est seulement la façade du bâtiment qui est vraiment typique, avec ses dizaines de petites fenêtres d’où les nombreuses femmes du Raj pouvaient regarder la rue sans être vues.


Nous arrivons tôt au stade Chaugan, où a lieu le festival des éléphants, grâce à quoi nous pouvons admirer les pachydermes de près avant le défilé, obtenir une place assise à l’ombre (une aubaine!) et même nous inscrire pour participer à l’activité «fêter Holi à dos d’éléphant»!

Très vite le stade se remplit, et la foule indisciplinée envahit la pelouse. L’animatrice tentera en vain de rétablir l’ordre: «please sit down, sit down so we can all enjoy the mighty jumbos».

Après le défilé et l’élection de l’éléphant le mieux décoré, on assiste à quelques jeux et un spectacle de danse mettant en scène Krishna. Malgré l’ambiance de foire chaotique, nous parvenons à distinguer l’appel au micro: « Natalia from the US, and Sandie from France ». Nous sommes invitées à rejoindre la douzaine de VIP riders (Very Important Pachyderm). Notre éléphant accepte gentiment de s’assoir, et on l’escalade à l’aide d’une corde. Quand il se redresse je suis à nouveau sur un grand huit, avec les mains cette fois.

Les organisateurs nous tendent des sacs de poudre de couleur et nous encourage à les balancer sur la foule en délire quelques mètres plus bas. May Holi begin!

Je commence timidement, dispersant des petits nuages bleu, vert et jaune à droite à gauche, lorsque sans prévenir, le « chauffard » de notre éléphant me flanque tout son sac de rose en pleine figure. J’en mange la moitié, et je pleure l’autre moitié. C’est le moment que choisit un journaliste pour me tendre un micro et braquer une caméra sur la barbe à papa que je suis devenue. Première impression? Je vois la vie en rose! Après ça tout s’accélère, littéralement. Notre éléphant charge la foule, mais de là haut nous nous en apercevons à peine. Les couleurs volent dans toutes les directions.

En dés-escaladant l’animal, on s’aperçoit qu’on a monté notre préféré, celui qui a un tigre peint autour de l’œil.On donne encore quelques interviews et on s’éclipse, plus fluorescentes et multicolores que le caméléon JVC, fatiguées de devoir faire des scènes suite aux attouchements que provoque inévitablement ce genre de rassemblement.

Lundi matin, jour officiel des couleurs. La première chose que je vois au réveil est mon oreiller orange, vert et violet. L’idée de me faire poudrer une troisième fois ne me fait pas sauter au plafond. Pendant le petit-déjeuner mon amie Laura, dont j’attendais des nouvelles, appelle et nous nous retrouvons à la gare pour passer la journée ensemble.

Dans la rue l’ambiance rappelle vaguement notre carnaval Charivari, pendant lequel, un jour seulement, tout est permis. On voit peu de femmes, beaucoup de jeunes sont saouls et traquent les touristes pour les peinturlu-tripoter sans ménagement.

Afin d’éviter de ternir notre belle image du festival, on s’éloigne de la ville pour visiter le temple des singes. Bonne idée, parce qu’ici aussi on fête Holi, mais loin du tumulte et beaucoup plus respectueusement, sans compter que le temple est encore plus majestueux que ce à quoi nous nous attendions.


Après un déjeuner tardif, nous grimpons le chemin escarpé qui mène au Nahargarh, le fort du tigre, pour y apprécier un sompteux coucher de soleil sur le Rajasthan. La descente au crépuscule, aussi agréable que la montée, nous creuse l’appétit et on dîne des pâtisseries indiennes.


Le lendemain est consacré au retour sur Dhampur, de 7h à 23h. C’est étonnant comment, quand on pense avoir atteint la limite de la désorganisation la plus totale, l’Inde nous prouve que nous en étions encore loin.

Les premières étapes étaient poutant bien huilées: bus de Jaipur à Delhi, délicieux déjeuner de riz à la noix de coco à Connaught Place, arrivée à la gare de New Delhi avec une heure d’avance. Heureusement que nous avions prévu la marge, parce que nous nous sommes trompées de gare. Comment faire la distinction entre la gare de Old Delhi et la gare de New Delhi quand les deux ont le code DLI sur nos billets?? On saute dans un rickshaw. A en juger par son obsession à vouloir doubler tout ce qui bouge (ça inclue les vaches), notre chauffeur a l’air d’avoir compris qu’on était pressées. Finalement pas tant que ça, à l’heure du départ notre train n’est pas encore en gare. Pire encore, quand enfin il arrive, il se vide mais ne se remplit pas. L’affichage finit par être modifié, changement de voie et 15 minutes de retard. 1 heure donc. Quand le train arrive, c’est la panique. Les wagons ne correspondent pas à ceux indiqués sur les billets. Alors que nous galopons tel un troupeau désorienté de part et d’autre de la gare, un employé numérote chaque wagon à la craie. Pas étonnant qu’une fois installés dans le train, nous soyons 3 ou 4 à avoir le même numéro de siège. Pas grave, depuis quand un siège n’est-il fait que pour une personne?

Tout le monde le dit, il n’y a qu’à travers un trajet en train qu’on peut vraiment expérimenter l’Inde. Le paysage défile, on dépasse le cimetière des rickshaws, les décharges à perte de vue. Les superbes minarets et coupoles dominent le ciel de Delhi; à quelques mètres de là une femme en sari lave son bébé devant une hutte en boue au bord d’une rivière souillée; le cadavre d’une vache abandonné se putréfie au bord de la route; accrochées de part et d’autre des rues étroites, les guirlandes de Holi vont scintiller encore quelques jours.




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